PÉRIGNAC : PAICHEL ET L’ÉCOLE DE L’OUTAPRAN

Paichel avait raison de craindre le pire. Une telle organisation internationale se tenait au courant des moindres activités de ses membres et intervenait rapidement lorsque l’application des plans prévus ne fonctionnait pas. Nos amis descendirent rapidement au souterrain et virent avec stupéfaction une faille lumineuse entourée d’un large cercle d’un gris presque brunâtre. C’était mauvais signe et Carole regarda Shana d’un air troublé puisque les deux femmes comprirent en même temps que la plaie s’était dangereusement infectée depuis que Paichel leur parla de celle-ci.

- Cette blessure n’a rien d’une simple égratignure, dit la médium en fixant la faille d’un air attristé. Si vous voulez mon avis, ces gens-là se moquaient de l’au-delà pour ainsi s’amuser à le percer justement au coeur de son nombril. Ne souriez pas, je connais ce centre du monde pour l’avoir visité au cours de mes transes. Je sais que ce trou se trouve exactement là où l’énergie vitale de cette autre dimension se vide graduellement, suite à cette blessure. Tous les chamans seraient de mon avis puisqu’ils se rendent également au centre de ce monde lorsqu’ils veulent en rapporter des forces spirituelles et des messages de l’au-delà.

- Selon vous, cette plaie a ouvert une brèche dans le coeur de l’autre univers?, lui demanda André sans attendre.

- Ce monde est celui des esprits et des morts. Croyez-le ou non, le monde des morts est sur le point de mourir. C’est ridicule de parler ainsi, mais où irez-vous après votre décès si l’au-delà n’existe plus? Pour être plus précise, si le monde des esprits disparaît, le nôtre le suivra dans sa chute. On ne peut exister uniquement dans un seul plan terrestre. Nous sommes tous originaires de cet univers spirituel avant de naître sur Terre pour y évoluer.

- C’est triste à dire, dit Shana sans hésiter, mais lorsque l’une des dimensions disparaîtra, le sens de la vie physique n’aura plus aucune utilité. Les deux mondes se complètent comme les deux côtés d’une médaille.

- Si je comprends bien, lui dit André en se frottant le nez, il deviendra inutile de mourir s’il n’y a rien de l’autre côté?

- En effet, lui répondit Shana en le fixant tristement dans les yeux. Nous ne pourrons plus trépasser. Nous serons comme des golems ou des âmes errantes dans le monde des vivants. Si nous ne pouvons plus atteindre l’autre monde, il est facile de s’imaginer le sort de l’âme qui sortira de son corps physique après la mort de celui-ci pour ensuite réaliser qu’elle ne peut aller nulle part. Elle demeurera prisonnière de notre univers sans pour autant poursuivre son évolution.

- J’y pense, dit Paichel en répétant le mot trépas à plusieurs reprises. Si ce nom signifie véritablement trois passages, il se peut fort bien qu’il se réfère à trois niveaux différents dans l’au-delà. Si je compare ceux-ci à trois ponts, il est possible qu’un seul d’entre eux soit brisé?

- C’est possible, lui dit Shana d’une voix hésitante. Le problème, c’est que l’âme ne pourra jamais atteindre les deux autres ponts si le premier est brisé.

- Alors, que faisons-nous?, demanda Daniel en se rapprochant dangereusement de la faille.

- Attention, lui cria André en le saisissant rapidement par le bras, cette plaie va vous aspirer comme un TROU NOIR si vous tenez à la nourrir de votre énergie.

- Mais comment l’obstruer si nous ne pouvons s’en approcher?, demanda Daniel d’une voix agacée.

- Il faudra trouver un moyen de le boucher à distance.

- Et avec quoi exactement?, lui demanda Paichel en souriant. Si vous avez des suggestions à nous proposer, nous sommes prêts à les appliquer, monsieur Couturier.

- Hé bien, dit-il, j’ai examiné cet anneau lumineux en me disant qu’il était le résultat de la destruction de la matière. En somme, il est inutile de tenter d’utiliser le moindre matériel physique pour le boucher. Ce noyau d’anti-matière le goberait aussitôt et s’en servirait pour grossir sa plaie. Il faudra utiliser un genre de plasma originel.

- Juste ça?, lui répondit Paichel en riant de bon coeur. Si vous voulez, je vais en acheter au dépanneur du coin, à moins que vous sachiez comment refaire la matrice originelle du monde.

- Ce que vous dites est très intéressant monsieur Paichel puisque Carl Gustav Jung lui donnait le nom de PLEMORA, c’est-à-dire cette matrice originelle qui créa la matière. J’ignore comment la réaliser, sauf que c’est la seule solution possible pour obstruer cette faille.

Les autres élèves se regardèrent d’un air déconcerté lorsqu’ils réalisèrent l’impossibilité de recréer la matière. Pourtant, Shana finit par dire en fermant les yeux :

- La matrice originelle n’était pas une matière visible, mais la Pensée.

- Oui, une énergie grandiose, enchérit Carole.

- Pourquoi pas une vibration?, ajouta Daniel le musicien.

- Un puissant Esprit qui dit : “ Je veux ” et le miracle s’accomplit, s’exclama Paichel.

- Et une Grande Lumière sortit du monde du néant, dit André en réfléchissant. Sapristi, j’y pense tout-à-coup comme l’éclair de génie qui vous traverse l’esprit en temps voulu! Oui, une lumière et une charge électrique feraient l’affaire.

- Mais où voulez-vous en venir?, demanda le clochard intrigué.

- Oh, je pense que c’est simple et très compliqué en même temps, lui répondit André. Ce trou est constitué d’une matière si subtile qu’elle nous semble invisible. Par conséquent, il faut la nourrir et non tenter de la détruire en l’obstruant avec un quelconque matériel. Nous cherchions du plasma, mais il est là devant nous dans sa forme primitive. Nos yeux voient un trou, mais je pense que c’est une illusion. Suivez bien ma logique et vous comprendrez à quoi je veux en venir. Nous nous imaginons voir une faille puisque nos yeux ne sont pas habilités à voir la matière qui la compose. Si je prenais une photographie de ce trou pour ensuite la grossir des millions de fois, on verrait strictement des points et surtout cet espace entre-eux. Il en va de même pour les atomes qui occupent ce trou comme des microbes invisibles à l’oeil nu. N’oublions pas que le monde invisible est peut-être trop gros pour qu’on puisse justement le voir de la même manière que le nôtre. Ce trou est comme une vision du macrocosme, vu par des êtres qui vivent dans un plan microscopique. Si notre univers est très petit, tout ce que nous voyons au-delà de celui-ci nous semble invisible. Je pourrais nous comparer à des microbes qui imaginent la réalité à partir de leurs perceptions des choses et non de leurs formes réelles. Imaginez-vous si petits que vous passez à travers cet univers immense de l’autre dimension sans même le voir. Ce trou, regardez-le comme si vous étiez des géants et vous réaliserez qu’il est plein.

- Plein de quoi?, demanda Paichel intrigué.

- Mais il est plein d’atomes, de particules élémentaires, de poussières microscopiques, d’espace et de symétrie. Même sa forme résulte de la composition de particules qui se sont rassemblées pour créer une sorte de chaînon autour d’une énergie spirituelle. J’emploie ce mot pour que vous preniez en considération que toute forme visible possède son double dans l’invisible. L’invisible est justement la matrice spirituelle de toute chose et son moule. Si nous parvenons à reconstituer la forme exacte du chaînon d’atomes qui compose cette faille, nous pourrons ensuite le déplacer pour le rendre visible. Il est certain que la matière n’existerait pas sans cette énergie spirituelle qui la pense avant qu’elle prenne sa forme dans le visible.

- Donc, il va falloir puiser de la matière spirituelle et créatrice dans l’autre dimension pour remplacer celle qui a été détruite par le canon atlante?, demanda Paichel en souriant.

- Oui, il faudra utiliser l’énergie spirituelle comme plasma, dit Shana en se grattant la tête. Comme parapsychologue, je travaille souvent avec des médiums, mais j’avoue n’avoir jamais songé à devoir un jour me concentrer pour créer une nouvelle peau spirituelle dans une faille de l’au-delà.

- J’aime bien votre comparaison, lui dit Daniel en riant de bon coeur. Oui, il faut créer une nouvelle peau pour remplacer celle qui a été déchirée par von Reich.

- Il faudra faire tout bonnement un miracle, s’exclama Paichel en opinant d’un large signe de tête. Nous agirons comme des guérisseurs devant une plaie spirituelle.

- Je le crois également, lui répondit Carole en examinant le trou d’un air compatissant. Mais avant de tenter de le refermer, il faudra d’abord la purifier. Je vois parfaitement ce combat qui se fait présentement entre les forces réunies dans cette faille. L’une d’elle est négative et cherche à prendre le contrôle. La teinte brune que vous voyez autour de l’anneau lumineux a encore grossi depuis qu’on se parle. Si nous ne parvenons pas à la repousser, nous ferons simplement appliquer un pansement sur une plaie infectée. Cette tache sombre est le MAL qui cherche à entrer dans notre monde.

- Je suis de votre avis que le mal dont vous parlez pourrait être contrôlé par des ondes sonores que j’ai inventé pour soulager des malades en phase terminale, dit Daniel d’une voix réservée. Je n’aime pas parler de mes recherches et encore moins de mes découvertes dans ce domaine, mais je pense qu’il faut mettre en commun nos connaissances dans les circonstances actuelles. J’ai développé non seulement une nouvelle thérapie musicale qui dispense l’utilisation de la morphine pour soulager la douleur, mais découvert la manière d’enregistrer des sons lumineux. Dernièrement, je suis parvenu à capter et à amplifier les faibles rayons du soleil qui traversaient la fenêtre de mon studio d’enregistrement. Au même instant, il est tombé une véritable pluie de poussière sur le plancher. J’ai alors réalisé que celle-ci était présente dans la lumière sans pour autant se laisser voir. J’en ai conclu que la matière est lumineuse à son origine et qu’elle devient visible lorsqu’elle vibre à différents niveaux sonores. À partir de là, on peut en conclure que c’est le même principe qui doit s’appliquer pour cette faille devant nous. Elle est lumineuse et donc visuelle et sonore si nous parvenons à amplifier ses vibrations.

- Croyez-vous pouvoir guérir cette lumière en faisant disparaître ce mal qui l’entoure?

- Madame Papineau, si je parviens à enregistrer ses vibrations, je pourrai évidemment les modifier en les remplaçant par des sons harmonieux.

Des bruits de pas rapides résonnèrent dans le souterrain et les élèves pâlirent aussitôt.

- Nous sommes perdus, gémit Carole. Je perçois la présence d’une dizaine d’individus très négatifs.

- Ne nous affolons pas, dit Paichel en réfléchissant. Une voix intérieure me dit que nous serons en sécurité si nous nous tenons à côté de faille et dos au mur. André, voulez-vous me retenir par le bras pendant que je vais tenter de m’approcher d’elle? Ne me lâchez surtout pas mon brave ami, sans quoi je vais me faire aspirer par sa force d’attraction.

André tenta d’empêcher Paichel de se faire attirer par la faille, mais lui-même se fit traîner malgré lui. Alors Shana lui entoura la taille pour l’immobiliser.

- Je me suis toujours cru trop grosse, mais cela devait sans doute faire partie de ma destinée, lui dit ironiquement la parapsychologue.

- Je vous remercie d’avoir ralenti notre avance rapide, lui répondit André en souriant. Si nous pouvons nous rendre jusqu’au mur sans nous faire gober par cette gourmande, nous serons en sécurité.

Paichel toucha finalement la paroi et après avoir fait la chaîne humaine, tous les autres se retrouvèrent à ses côtés. Le clochard leur demanda de lever les bras pour faire comprendre à ces hommes qu’ils n’étaient pas armés. Au même instant, arriva la troupe de mercenaires nazis, vêtus comme des civils et armés de mitraillettes. Ils s’empressèrent de courir vers leurs futurs prisonniers et se mirent à crier d’effroi. Ces hommes comprirent trop tard qu’ils ne pourraient plus reculer lorsque l’énergie de cette faille les goba les uns après les autres comme des petites fourmis. On aurait dit que le métal de leurs armes augmentait la force d’aimantation. L’un des mercenaires portait une veste anti-balle et tenta de s’en débarrasser au plus vite. Il se fit attirer si rapidement dans le trou lumineux que son corps s’étira comme s’il était fait en caoutchouc. Une autre chose était devenue évidente pour les élèves : SE TENIR LOIN DU MÉTAL.

- Il n’y a plus de danger, s’exclama joyeusement Carole à ses nouveaux amis. Nous allons donc poursuivre notre travail.

- Un instant, lui dit Daniel d’un air apeuré. Vous avez vu ça? Comment voulez-vous que j’analyse le contenu de cette faille si je ne peux utiliser mon lecteur qui est justement en métal?

- Il a raison, ajouta André en s’amusant à mouiller son doigt avant de le placer devant la faille sans bouger de sa place. C’est bien ce que je pensais; ce vent étrange perd de la vélocité devant l’eau. Si vous placez un écran d’eau devant votre lecteur, monsieur Boulia, je pense que vous pourrez l’utiliser sans danger.

- Mes deux neveux pourront sûrement réaliser un tel rideau protecteur, s’exclama Shana pour rassurer Daniel. Dominic et Sylvain sont deux jeunes inventeurs pleins de talents. Avec l’aide d’André, je suis convaincu qu’ils pourront le réaliser en peu de temps. L’Halloween est encore loin, mais je ne pense pas que des esprits primitifs attendront ce soir-là pour entrer dans notre dimension s’ils découvrent l’existence de cette faille.

- Les boules lumineuses m’ont également prévenues de ce risque, lui dit Paichel en soupirant. Ils m’ont avoué ne pas savoir comment la refermer puisque c’est le plus grand trou jamais créé par l’homme dans l’autre dimension. Ils voulaient sans doute me faire comprendre qu’il faudra s’attendre à voir de tels esprits primaires le découvrir facilement.

- Je suis médium, répondit Carole sans attendre. C’est donc à moi de surveiller cette faille dans le cas où nous aurions la visite d’intrus. Primitifs ou non, je serai en mesure de communiquer avec eux s’ils pénètrent clandestinement dans notre monde.

- Parfait, je vais vous tenir compagnie, lui dit Paichel en souriant. Je ne suis pas un médium, mais je possède toutefois quelques dons particuliers pour communiquer avec tous les êtres de l’univers.

- Vous êtes très gentil monsieur Paichel, mais j’aimerais être seule pour mieux me concentrer. Vous pourriez en profiter pour nous trouver de quoi manger pour quelques jours. J’ai bien l’impression que je vais vivre comme une taupe pour un certain temps.

Paichel partit à contre-coeur puisqu’il ne trouvait pas prudent de la laisser seule dans ce souterrain. Daniel retourna dans son studio pour préparer son lecteur, alors que Shana et André se présentèrent chez les jeunes inventeurs pour leur demander leur aide. La parapsychologue fit les présentations et demanda ensuite à André si cela le dérangerait qu’elle puisse retourner à l’école.

- Je suis d’avis que madame Papineau est une excellente médium, mais il lui arrive de tomber dans des transes très profondes sans les avoir provoquées. Il serait peut-être sage que je lui tienne compagnie afin de la guider au besoin.

- D’accord, lui répondit André, je ne tarderai pas à vous rejoindre, dès que nous aurons mis au point ce rideau protecteur. Cela m’inquiète énormément de la laisser seule dans cette école où d’autres nazis pourraient revenir sans nous prévenir de leur visite.

- Je pense que nous en sommes tous conscients. Vous savez André, je crois avoir deviner le véritable sens du mot OUTAPRAN. J’ai même cru qu’il signifiait simplement OÙ T’APPRENDS. C’était original et logique pour désigner le nom d’une école. Depuis que nous savons qu’il s’agit d’une organisation nazie, je pense que l’OUTAPRAN signifie simplement : Organisation Universelle Travaillant à l’Anéantissement Planétaire par la Race Aryenne Nazie.

- Hé bien, si ce n’est pas la définition exacte de l’Outapran, lui répondit André en riant, je trouve qu’elle lui va tout de même comme un gant.

Madame Papineau entendit un bruit étrange dans la faille. On aurait dit que quelqu’un marchait en faisant craquer le sol à chaque pas. Le son très sourd semblait résonner dans l’écho des montagnes. Puisqu’il n’y avait rien de tel dans ce trou, il s’agissait sans doute d’une vision d’un autre monde qui cherchait à pénétrer dans le nôtre. Même si Carole ne voyait que des étoiles et des constellations dans cette faille, elle se mit à trembler de peur en pressentant la présence d’une force extrêmement négative qui se rapprochait lentement en reniflant comme un taureau de combat. Même si cette énergie demeurait dans l’au-delà, la femme recula lentement en frissonnant dans tout son corps. Elle buta contre un genre de mur et lorsqu’elle cria de stupéfaction, le mur en fit autant.

- Shana? Mais que faites-vous là, lui demanda Carole lorsqu’elle réalisa sa méprise.

- Je savais intuitivement que je devais venir vous voir. Vous êtes si pâle que cela m’effraie. Que vous est-il arrivé depuis notre départ?

- Il y a une présence des plus négatives devant ce trou, lui répondit Carole. J’ai tenté de communiquer avec elle, mais c’est par un reniflement affreux qu’elle m’a répondue. C’est la première fois de toute ma carrière de médium que je ressens autant de haine et d’agressivité dans un esprit.

- Je perçois également ces mêmes vibrations désagréables, lui répondit Shana en lui faisant toucher ses mains gelées. Nous devrions remonter avant que cet esprit décide de passer par cette porte lumineuse.

- Quelque chose me dit que cette présence n’a pas le droit ou encore le pouvoir de traverser cette faille lumineuse. Je juge tout de même prudent de ne pas laisser ce passage sans surveillance.

- Mais que ferez-vous si cette énergie décide de traverser sans votre consentement?

- J’avoue l’ignorer.

Les deux femmes virent alors un énorme sabot pointu passer devant la faille. C’était celui d’une bête de la taille d’un dinosaure. Carole et Shana préférèrent abandonner leur poste en se sauvant vers la sortie. Pourtant, le monstre ne fit que passer devant ce trou sans le découvrir. Ensuite, ce fut le tour à des petits êtres amusants de s’arrêter devant cette fenêtre étrange. On aurait dit qu’ils attendaient le départ de la médium pour traverser dans notre dimension.

- Flic, floc, gadi-badoum, flouc, flac,floc, dit un premier légume au corps de carotte.

- Silence, dit un être à la tête de tomate. Regardons si la madame est encore là!

- Pas madame, répondit la carotte à cinq pattes en trottant un moment devant la tomate avant de la dévorer.

D’autres légumes monstrueux traversaient la faille en se bousculant et se dévorant les uns les autres. Un radis acrobate sauta au plafond et se laissa choir sur une vieille tomate à dix tentacules et la mangea en roulant ensuite lourdement sur le sol. Il éclata bientôt et son jus se répandit sur un vieux navet excité par tant de nourriture liquide. Il s’en imbiba avant d’imposer le silence dans ce clan de petits dévoreurs. Il en piétina quelques uns et distribua leurs dépouilles aux autres pour les calmer. Puis, les affamés suivirent l’odeur qu’avaient laissées les deux femmes et se retrouvèrent à l’extérieur. Le navet huma alors celle du musicien Daniel et agita joyeusement la tête en captant les pensées de cet homme. Puisque Daniel pensait constamment à des notes musicales, les légumes se mirent à les répéter en suivant la trace du musicien.

Peu de temps après le départ des étranges intrus de l’au-delà, Paichel arriva à l’école en tenant deux gros sacs d’épicerie. Il descendit au souterrain, mais n’y vit personne. L’absence de madame Papineau l’inquiéta et préféra remonter en vitesse en abandonnant ses sacs de provision sur le plancher. Dès qu’il fut à l’extérieur, son coeur cessa de battre rapidement lorsqu’il entendit deux voix féminines qui discutaient dans le champ situé derrière l’école. Lorsque Carole le vit s’approcher, elle se jeta dans ses bras pour pleurer de soulagement.

- C’est vraiment horrible ce qui vient de nous arriver, lui dit Shana qui éprouvait également le goût de pleurer sur son épaule.

- Bon, pleurez sur moi mes chères et ensuite, peut-être que l’une de vous pourra m’expliquer ce qui est arrivé depuis mon départ?

- Monsieur Paichel, lui répondit Carole encore toute tremblante, nous avons vu l’énorme sabot d’un monstre qui dégageait un telle énergie négative que nous avons fui ce souterrain.

- Je viens à peine de là, madame; j’avoue n’avoir rien remarqué de particulier. Vous me dites avoir vu un énorme sabot devant la faille. Mais vous est-il possible de me le décrire?

- Il était noir et pointu. J’ai également entendu un étrange reniflement.

- Celui d’un taureau?

- Mais comment l’avez-vous deviné?

- Écoutez, je ne tiens pas à vous raconter toute ma vie puisqu’une grande partie de celle-ci s’est déroulée sur une autre planète avant que je m’incarne sur Terre. Vous êtes médium et je vous laisse libre d’interpréter à votre gré ces souvenirs que je vais vous faire connaître. Je les appelle personnellement : souvenirs d’un lointain passé. Lorsque vous m’avez mentionné avoir entendu le reniflement d’un monstre aux sabots pointus, j’ai eu une vision précise de ce taureau titanesque qui portait le nom de BAA-BOUK. On le considérait comme ce Satan de votre monde. Le nôtre, heureusement pour nous d’ailleurs, était non seulement visible, mais vivait prisonnier dans un immense enclos. Il se peut fort bien que son esprit hante encore les sombres espaces de l’au-delà. Je ne pense pas qu’il s’attarde devant cette faille puisqu’il fuit la lumière. C’est sans doute la clarté du trou qui l’a éloigné.

- Parfait, je vais redescendre et poursuivre mon travail, lui répondit la médium en cherchant à lui sourire. Vous êtes un être vraiment surprenant, vous savez? Vous voyagez dans le temps, vous ne vieillissez pas et vous viviez jadis sur une jolie planète appelée : ARKARA. Je sais tout cela puisque j’ai lu plusieurs de vos aventures avant même de vous rencontrer.

- Ce sacré Pérignac va finir par me rendre célèbre s’il continue à faire publier mes mémoires!

Les femmes lui firent un large sourire avant de se regarder d’un air rassuré.

- Aussi bien y redescendre, dit Carole en retournant dans la petite école.

- Je vous accompagne en espérant que cette bête se trouve aux confins de l’univers, lui répondit Shana.

- Et moi alors, puis-je me joindre à vous?, demanda le clochard en les suivant sans attendre.

- Tout dépend de ce que vous entendez par “ vous joindre à nous ”, lui répondit Shana en riant de bon coeur.

Pendant ce temps, les petits êtres arrivèrent au studio de Daniel. Le musicien analysait toutes sortes de sons dans le but précis de les utiliser pour refermer la faille lumineuse. Il comptait également se servir de l’énergie psychique de Paichel, Carole, Shana et André pour cimenter des ondes sonores dans une sorte de plasma spirituel. Cette charge serait comme un courant électrique harmonique qui allait neutraliser la force négative autour du trou.

L’expérimentateur était si concentré par son travail qu’il n’entendit même pas le bruit d’une vitre de son studio que venaient de briser avec fracas ces petits monstres étrangers. Des centaines de légumes automates envahirent le sous-sol et s’attaquèrent à tout ce qu’ils croyaient comestibles comme les fils de micros, les disquettes d’ordinateur et même les écouteurs qui se trouvaient encore sur la tête du musicien. Il arracha le poivron verdâtre de ses cheveux et le lança au fond de la pièce avant d’écraser une sorte de gros pruneau sur un écran de moniteur. Le jus s’écoula sur le clavier et d’autres monstres se mirent à trotter dessus pour également s’y faire écraser à coups de poings. D’autres légumes trouvèrent l’escalier qui menait à la cuisine et s’en prirent au panier de fruits laissés là sur la table. L’épouse du musicien se fit réveiller par ces étranges glou-glou que faisaient entendre ces envahisseurs. Lise se rua vers la cuisine et leur fit la guerre après s’être armée d’un tue-mouche. Cette femme n’était nullement impressionnée par le nombre croissant de ses ennemis et craignait seulement de voir ces légumes saccager sa cuisine. Daniel désespérait au sous-sol en traitant ses ennemis de “ maudites vaches ”. Finalement, il parvint à réduire ces monstres en compote pendant que Lise explorait les moindres coins de la cuisine pour traquer les derniers envahisseurs. Ils se collèrent sous la table et la femme en colère la frappa si fort de son poing qu’elle se brisa en deux. Lorsque son mari remonta couvert de jus, il figea sur place en examinant les dégâts laissés par les légumes automates. - Crois-moi, dit-il à son épouse, jamais plus je ne mangerai de compote.

- Et moi, j’aurai droit finalement à une nouvelle table de cuisine pour remplacer celle qui tombait en ruine depuis des années.

L’écran protecteur était prêt à fonctionner. Dominic et Sylvain s’étaient servis de gicleurs d’eau pour maintenir un débit régulier, un récupérateur pour faire circuler l’eau sur une sorte de tamis circulaire et d’un compresseur d’air pour créer une sorte de rideau lorsque l’eau passait sur le tamis. Ils se servirent également d’une pompe pour récupérer l’eau qui tombait dans un bassin situé sous l’écran et la faisait repasser dans les gicleurs.

Alors que Daniel installait son lecteur derrière l’écran protecteur et qu’il ajustait son appareil avec l’aide d’André, le clochard accepta d’aller puiser de l’eau dans le vieux puits situé à une centaine de mètres de l’école. Il ne fallait prendre aucune chance de manquer d’eau au cours de l’expérience et c’est pour cela que notre homme se rendit à cet endroit pour remplir des cruches de plastique. Alors qu’il poursuivait paisiblement son travail, deux inconnus se saisirent de lui dans l’intention de le faire basculer dans le puits. Lorsqu’ils furent sur le point d’y parvenir, un chien sauta sur eux pour les mordre entre les jambes. Ils lâchèrent subitement leur victime pour se rouler par terre en criant de douleur. Paichel en profita pour les désarmer et surtout pour remercier Fric de lui avoir sauver la vie. La brave bête qui s’était momentanément égarée dans la région lorsqu’elle voulut suivre la voiture de von Reich, retrouva sa piste dès qu’elle revit la même limousine rouler sur une route de terre. Fricassé reconnut même le chauffeur qui était venu chercher son ami Paichel deux jours auparavant pour sa première et dramatique journée à l’Outapran. - C’est sûrement mes Maîtres de l’invisible qui t’on guidés jusqu’ici mon brave Fric, dit l’homme en lui caressant la tête.

- Toi au moins, tu es reconnaissant lorsque je te rends service, répondit le chien en haletant de joie. Tu sais, mon ancien maître m’envoyait combattre des bandits encore plus dangereux que ceux-ci et pour me récompenser, il me frappait les cuisses en me disant qu’il était content de moi. Tu y comprends quelque chose, toi? Il me faisait mal aux cuisses et je devais prendre ces tortures comme une marque de reconnaissance.

- Oh, tu sais, les humains ont parfois d’étranges façons d’exprimer leur affection. Je ne sais pas si ces deux-là ont appréciés la morsure que tu viens de leur faire. Mais entre-nous, où te trouvais-tu exactement lorsque ces hommes m’ont attaqués?

- Ah, j’étais bien caché et j’épiais leurs moindres mouvements. J’ai appris de mon ancien maître à toujours analyser une situation avant d’intervenir. Lorsque la voiture s’est arrêtée devant l’école, le chauffeur s’est sûrement douté que quelque chose n’allait pas puisqu’il sortit son revolver avant d’entrer prudemment dans le local de classe en passant par la fenêtre. Il sortit ensuite avec l’autre bandit et se cachèrent derrière le puits et t’observèrent un moment. Puis, tu connais la suite.

- Cet autre bandit est le professeur Defrappe. J’ignore s’il est prudent de garder ces deux prisonniers ici en attendant qu’on accomplisse notre travail.

- Hé bien, on pourrait les jeter dans le puits et tu n’auras plus à les surveiller.

- Non, ce n’est pas dans ma nature d’agir ainsi envers mes ennemis. Nous allons les attacher dans le souterrain et ainsi, il nous sera facile de les surveiller de près.

Les deux membres de l’Outapran descendirent docilement au souterrain et se mirent à courir vers la faille sans avertissement. Sans doute jugeaient-ils cette mort plus douce que celle que leur réserveraient leurs supérieurs en apprenant qu’ils furent incapable de se débarrasser de Paichel et des autres élèves. Ceux-ci opinèrent d’ailleurs tristement de la tête en réalisant jusqu’à quel point on avait dressé ces membres de l’organisations pour qu’ils se suicident plutôt que de devoir affronter le moindre reproche de leurs supérieurs. Paichel était convaincu que d’autres mercenaires feraient tout pour avoir leur peau. Il demanda donc à ses amis de poursuivre leur travail tandis qu’il irait demander conseil à un ami qui travaillait pour la sûreté du Québec. Notre homme ne voulait pas alerter les autorités policières avant de pouvoir prouver qu’il existait justement une organisation terroriste dans la région. Il partit donc en compagnie de Fric et se retrouva quelques heures plus tard devant la porte d’une coquette maison de Limbour. Un homme au regard franc et au sourire facile ouvrit la porte et faillit serrer la main du visiteur en lui disant sans détour :

- Je ne sais pas si je devrais te laisser entrer et surtout me réjouir de te voir mon Paichel. La dernière fois que je t’ai rencontré, tu m’as mêlé à une histoire d’anges fugueurs. Avec toi, je ne doute plus de rien, pas même des éléphants blancs. Promets-moi que tu ne viens pas me voir pour une autre histoire d’anges.

- Rassures-toi mon Roland, tout va bien de ce côté là.

- Tu es certain que tout va bien?

- Bien, c’est vite dit! Disons que je viens d’avoir quelques démêlés avec une organisation internationale qui cherche à contrôler le monde. À part cela, tout va bien.

- J’aurais dû m’en douter, colline-de-bines, que tu t’arrangerais encore pour te mettre le nez dans une histoire pas comme les autres, s’écria le policier en reculant. Écoute bien ce que je vais te dire, je viens d’être promu agent enquêteur et je veux conserver mon emploi.

- C’est fantastique, lui répondit le clochard en souriant à son chien. Tu entends cela, Fric? Mon ami est devenu détective comme Colombo! Je suis persuadé qu’il pourrait monter très vite en grade s’il parvenait à démanteler un important réseau de terroristes internationaux!

- Ça va, je vais au moins accepter de te recevoir si tu laisses ton chien dehors. Je viens tout juste de nettoyer le tapis du salon et je ne voudrais pas devoir ramasser des poils de ton compagnon.

- Justement, c’est mon compagnon et je refuse ton invitation, mon Roland. Tu dois savoir que Fric vient de me sauver la vie et de ce fait, nous sommes devenus inséparables comme les doigts de la main. Puis, entre-nous, est-ce gentil de ta part de ne pas laisser entrer un animal qui a déjà travaillé comme chien-policier? Il est également bien dressé et très propre.

- Très propre, en effet, lui répondit l’agent enquêteur en examinant la bête crottée jusqu’aux oreilles. Je veux bien le laisser entrer, à la condition qu’il s’essuie les pattes sur le tapis. Paichel fut à peine entré que son compagnon s’empressa d’aller s’essuyer les pattes sur le tapis du salon.

- Colline-de-bines, je lui ai dit de s’essuyer ses sales pattes sur le tapis d’entrée.

- Ah, tu n’a rien spécifier du tout, s’empressa de lui répondre son ami pour excuser la pauvre bête qui croyait bien faire en s’essuyant sur un tapis propre pour qu’on sache que ses pattes étaient bien nettoyées.

- Demande-lui de s’asseoir et de ne plus bouger si tu ne tiens pas à me voir le sortir moi-même du salon.

- Dis à ton ami que je veux bien ne plus bouger s’il est prêt à me gratter le dos à cause de mes puces qui me piquent drôlement, tu sais!

Paichel lui gratta le dos et la bête demeura sagement assise près de lui en l’écoutant raconter sa mésaventure à son ami.

- C’est grave, finit par répondre Roland en secouant la tête. Le pire, c’est que ton histoire sera difficile à avaler si je dois tenter de convaincre mes supérieurs d’enquêter sur l’Outapran.

- Tu me crois, j’espère?

- Si je te crois? Oh, j’aimerais surtout ne pas te croire. Tu t’imagines la réaction de mes patrons lorsque je leur mentionnerai l’existence d’une faille lumineuse pratiquée par un canon atlante? Non seulement je vais passer pour un cinglé, mais si par miracle je parviens à les intéresser à celle-ci, comment leur expliquer ensuite que tes amis ont préféré la refermer avant leur arrivée?

- Tu voudrais qu’on laisse celle-ci ouverte pour qu’elle serve de preuve, mon Roland? Tu n’y songes pas? Je viens de te dire que notre monde est menacé par des envahisseurs de l’au-delà et tu me demandes de ne pas la refermer? Écoute, ce n’est pas pour cette faille lumineuse que je suis venu te voir, mais simplement pour que tu parles de cette organisation terroriste à tes supérieurs.

- Et tu crois qu’il suffit simplement d’un petit enquêteur de ma classe pour faire bouger les gros bonnets de la police? De toute façon, cette enquête regarde les services secrets canadiens et non la sûreté du Québec.

-Ça va, lancez-vous la balle et pendant ce temps, des types comme von Reich vont poursuivre impunément leurs activités clandestines.

- Je regrette, mais il me faut des preuves à présenter à mes supérieurs. Le canon ferait l’affaire.

- Oh, il a été gobé par la faille lumineuse.

- Les hommes de ce von Reich, par exemple.

- Eux aussi dans la faille, mon Roland.

- Et von Reich est également disparu dans ce trou? Il nous reste quelle preuve à présent?

- Le souterrain est l’une des bases secrètes de l’Outapran, lui répondit le missionnaire..

- C’était l’une de leurs bases puisqu’ils ne sont pas assez stupides pour l’utiliser de nouveau. Non, la seule preuve demeure cette faille en question. Si des experts peuvent l’analyser, ils verront bien qu’il se passe des choses anormales à cet endroit et feront ouvrir une enquête officielle sur cette organisation nazie.

- Oui, mais ils vont l’analyser et ensuite vouloir s’en servir pour des expériences scientifiques, mon Roland. C’est cela que je veux éviter à tout prix. Je ne voudrais surtout pas que des militaires s’intéressent à celle-ci.

- Je te comprends parfaitement, Paichel. Tout de même, tu me demandes l’impossible. J’ai peur pour toi et tes amis, mais je n’ai pas suffisamment de pouvoir pour faire bouger mes supérieurs sans cette preuve qui les fera sursauter sur leur chaise.

- Je vais consulter les autres, mais je connais déjà leur réponse, mon Roland.

- Si tu me laisses leur parler, il se peut qu’ils acceptent au moins de me laisser la chance de montrer cette faille à l’un de mes supérieurs.

- Plus nous attendons pour la refermer, mon Roland, plus nous risquons de nous faire envahir par des êtres de l’autre univers. Mon ami Daniel s’est fait attaqué la nuit dernière par des genres de légumes monstrueux qui ne venaient sûrement pas de notre monde. La prochaine fois, peut-être aurons-nous moins de facilités à nous débarrasser de nos visiteurs opportuns.

Pendant l’absence de Paichel, il arriva un événement assez étrange dans le souterrain. Daniel terminait l’analyse de la faille lorsqu’un singe en sortit en marchant sur une bille ayant l’aspect d’un globe terrestre. L’intrus roula un moment autour des élèves en leur disant ironiquement : “ Bonjour à toi, qui que tu sois! ” Au même instant, la sphère passa sur une flaque d’eau et se mit à rouler si vite que le singe perdit l’équilibre avant de culbuter dans un coin de la galerie. Sa chute semblait grave puisqu’il gémissait de douleur.

- Qui est cet étrange singe qui peut parler?, demanda Carole en s’agenouillant craintivement près du blessé.

- Il y a du sang sur son crâne, dit André en aidant celle-ci à étendre délicatement l’étranger sur le dos. Il va lui falloir des soins.

- On ne peut tout de même pas le conduire à l’urgence, lança Daniel en épongeant le front du malade.

- La mère de Dominic et Sylvain est infirmière et connaît plusieurs excellents médecins, dit André sans hésiter. Je vais le conduire chez elle, mais j’aimerais bien que madame Papineau m’accompagne au cas où il faudra communiquer mentalement avec ce singe.

- Oui, vous avez raison, lui répondit Carole en le suivant sans attendre.

Shana qui venait de préparer du café dans une autre salle, arriva après le départ d’André et Carole pour aussitôt se faire raconter la visite du petit singe de l’autre dimension. La femme fixa la boule étrange en s’écriant :

- Cette bille est la planète Terre en miniature. Si elle cesse de tourner trop longtemps, il va nous arriver toutes sortes de cataclysmes naturels. Daniel, voulez-vous m’aider à monter sur cette sphère de Primus Tasal?

- De qui?, lui demanda le musicien en l’aidant tout de même à se jucher sur la boule.

- Tenez-moi les mains, lui répondit la femme en cherchant à garder son équilibre. Je sais que j’ai l’air d’un clown sur un gros ballon, mais il faut absolument que j’accomplisse ce travail en l’absence de ce singe que Pérignac appelle Primus Tasal. Selon l’auteur, tout ce qui arrive à cette boule magique se produit également sur notre planète. Si elle roule bien, nous en éprouvons ses bienfaits. C’est du moins ce qui est mentionné dans son récit fantastique, intitulé : Légende d’Arkara.

- Oui, mais il s’agit d’une histoire imaginaire et non réelle, lui répondit Daniel avant de la supplier de redescendre. Vous allez vous briser le cou si vous insistez pour demeurer sur cette fichue boule.

- Vous me dites qu’il s’agit d’une histoire irréelle et pourtant, vous devriez admettre que ce singe est pourtant entré dans notre monde. S’il était imaginaire, nous devrons à présent le considérer comme faisant partie de notre réalité. J’ai l’impression que cette faille ouvre non seulement une porte sur l’au-delà, mais également sur l’imaginaire. Le monde des esprits et celui de la créativité doivent fatalement coexister quelque part dans un lieu commun entre nos deux univers.

- Selon vous, si cette boule imaginaire est passée dans le monde réel, nous devrons la faire tourner pour nous protéger contre de vrais séismes sur Terre?

- J’en ai bien peur, Daniel.

- Ce Pérignac n’aurait pas pu choisir un autre genre de locomotion pour ce singe? Sait-il au moins c’est quoi l’évolution? Faire marcher un singe sur une terre fantastique est génial comme idée, mais sûrement pas pratique dans notre monde moderne.

Tout à coup, Daniel vit un grain lumineux sur la bille étrange. Shana tomba à la renverse dès qu’il lui lâcha les mains pour toucher le point blanc. Heureusement pour la parapsychologue, sa chute fut sans conséquence grave. Nos deux amis virent alors la faille lumineuse se refermer comme par enchantement. Daniel venait de découvrir un moyen de refermer temporairement cette fissure en gardant son doigt sur le petit trou de la boule magique. Mais dès qu’il le retira, la faille apparut de nouveau dans le mur.

- Regardez ça Shana! Le petit trou sur cette terre miniature se trouve exactement à l’endroit où nous nous trouvons géographiquement sur la vraie planète.

- Je vous ai dit que c’était la copie exacte de notre Terre, Daniel. Puis, vous entendez cette étrange musique lorsque nous la faisons rouler?

- Oui, cela m’intrigue beaucoup. Elle change de son selon sa vitesse et sa direction. Je pense que je pourrais découvrir des harmonies universelles si on me laissait le temps de les enregistrer sur mon lecteur. Si cette bille est véritablement la terre en miniature, elle doit produire les mêmes sons lorsqu’elle tourne autour du soleil. Si vous acceptez de vous servir de mon lecteur, je vais monter sur cette bille afin de la faire tourner dans toutes les directions.

Alors que Daniel faisait rouler la grosse sphère dans la galerie, Paichel arriva en compagnie de l’inspecteur Leblanc et de Fricassé. Le clochard immobilisa la boule en disant d’une voix fort troublée :

- Non, vous êtes en train de changer tous les climats de la planète.

- Je ne pensais pas mal faire, monsieur Paichel!

- Je vous excuse volontiers si vous pouvez m’expliquer ce que vient faire la boule magique de Primus Tasal entre vos mains.

- Je vais tout vous raconter.

Paichel opina de la tête en demandant ensuite dans quel état se trouvait son ami Primus.

- Il est présentement chez la mère de Dominic et Sylvain, lui répondit Shana. Nous aurons bientôt de ses nouvelles. Je ne pense pas que ses blessures étaient sérieuses après tout!

- Qu’en savez-vous, madame, demanda timidement l’inspecteur et sans attendre d’être présenté avant de poser des questions.

- Normalement, lui répondit gentiment la dame en souriant, je ressens de mauvaises vibrations lorsque je me trouve en présence de quelqu’un qui est en danger de mort.

- Oh, vous devriez vous engager pour une compagnie d’assurance, lui lança ironiquement le policier en regardant la fameuse faille dans le mur.

- Qu’en penses-tu mon Roland, dit Paichel en souriant. C’est un joli trou n’est-ce pas?

- Nous avons trouvé le moyen de le refermer, s’empressa de dire Daniel en plaçant son doigt sur la bille magique. Regardez ce qui se passe maintenant.

- C’est incroyable, s’exclama le policier étonné par ce prodige.

Il fut mit au courant des pouvoirs secrets de cette boule et posa ensuite toutes sortes de questions sur l’Outapran et comment chacun fut contacté par von Reich. En réalité, l’inspecteur Leblanc connaissait déjà l’existence de cette organisation secrète et fit part de ses craintes en disant à ses nouveaux amis :

- Cette organisation n’est pas étrangère aux activités secrètes que mènent de puissants financiers internationaux qui tentent de contrôler l’économie mondiale. Ils se donnent simplement le nom d’Illuminatis. Nous savons fort peu de choses sur ce mouvement qui prône la gestion financière de la planète par un seul gouvernement central et totalitaire. Nous présumons que certaines multinationales soutiennent ces gens dans le but d’agrandir leur monopole international. Les membres d’Illuminatis occupent tous des postes importants dans presque tous les secteurs d’activités économiques, ce qui rend une enquête officielle vraiment délicate en ce qui concerne l’Outapran. Nous pensons que des armateurs importants sont à la tête de cette organisation puisque celle-ci facilite la vente d’armes et influence même la politique dans plusieurs États en guerre. Si nous tentons de faire amorcer une enquête officielle, c’est à un véritable empire diabolique que nous ferons affaire.

- Selon vous, l’organisation de l’Outapran ne serait que l’un des tentacules de ce mouvement?, lui demanda Shana d’un ton réservé.

- C’est ce que je crois, madame, lui répondit l’agent enquêteur en opinant de la tête. Cela ne veut pas dire que cette organisation soit à l’abri de tout scandale public et de poursuites judiciaires. Le problème, c’est que lorsque nous nous attaquons à des gens qui possèdent autant de pouvoirs politiques et économiques, les grandes victimes seront malheureusement les petites gens. Je ne citerai que le cas des enfants Péruviens qui travaillaient dans des mines et vraiment comme des esclaves. L’opinion mondiale est parvenue à convaincre le gouvernement d’interdire l’exploitation des enfants dans les mines et le résultat fut la mise à pied de cette jeune main-d’oeuvre à bon marché. Ces enfants ne travaillent plus et quêtent leur nourriture sur la rue. Leurs parents ne peuvent subvenir à leurs besoins et puisqu’ils comptaient également sur eux pour les aider à nourrir leurs petits frères et soeurs, ce sont d’autres enfants qui vont grossir le lot d’itinérants avec les conséquences que l’on connaît : délinquance accrue, prostitution, drogue et tout le reste. La réalité prouve que le sort des anciens mineurs n’est pas plus enviable depuis qu’ils ne sont plus exploités par ces employeurs sans conscience. Ils remplacent ces enfants par de la machinerie et lorsque cela coûte trop cher d’engager de la main-d’oeuvre, ils envoient leurs produits dans des pays où la classe ouvrière est prête à se laisser exploiter. On pourrait exiger des lois plus strictes envers les employeurs, mais savez-vous au moins qui exploite ces enfants du Pérou? Le gouvernement? Les employeurs? Non, le véritable patron est le PROFIT. Nous sommes tous responsables de l’exploitation de ces jeunes ouvriers à travers le monde. Nous encourageons le profit et donc les profiteurs. Nous exigeons de la variété, nous sommes éduqués pour consommer et pour gaspiller. Nous investissons là où nos intérêts rapporteront le plus et sans nous attarder à savoir comment ce profit s’obtiendra. Nous faisons en petit ce que les multinationales font simplement en plus grand.

- Mon ami, Pérignac, me disait justement quelque chose à ce sujet, lui répondit Paichel en souriant. Selon lui, si un enfant naît pauvre, c’est parce que quelque part, quelqu’un détient son héritage et celui de milliers de Terriens. C’est cela l’injustice.

- Écoute Paichel, j’étais venu ici dans l’intention de suggérer à tes amis de laisser des savants analyser cette faille lumineuse. Je ne suis plus convaincu que cela sera suffisant pour prouver qu’elle fut faite par des membres de l’Outapran. Par contre, il y a cette bille magique que je n’aimerais pas voir tomber entre les mains d’Illuminatis. Si ce singe est arrivé par ce trou, il faudra qu’il y retourne avant de le refermer.

- Je comprends tes craintes, mon Roland, lui répondit Paichel en souriant. Mais Primus Tasal n’a nul besoin de cette faille pour retourner dans l’au-delà. Il voyage dans le couloir Intemporel et sans devoir attendre que celui-ci lui apparaisse comme dans mon cas. Il va partout dans l’histoire du monde et même dans d’autres univers. Lorsqu’il sera en mesure de reprendre sa route, je lui demanderai de réparer lui-même cette faille en obstruant le petit trou sur sa boule fantastique.

Un bruit fracassant fit taire Paichel. Un étrange robot venait de traverser la faille et gisait à présent sur le sol en émettant de faibles signaux des yeux.

- Sacré-nom-d’un-chien, s’écria Paichel, ce trou est un véritable sac à surprises!

- On dirait un homme, vêtu d’une combinaison spatiale d’un nouveau genre, se contenta de dire Daniel d’une voix amusée.

- Crois-tu qu’il serait dangereux de s’en approcher?, demanda l’enquêteur qui était très curieux de nature.

- La pire chose qui pourrait t’arriver, mon Roland, c’est d’exploser en mille morceaux, lui répondit le clochard pour le taquiner. Une voix intérieure me dit que ce robot vient du futur.

Ah bon, du futur?, lui demanda Shana qui ne voulait pas le contredire.

- Oui, lorsque vous m’avez raconté avoir vu Primus Tasal faire accélérer sa boule sur la flaque d’eau, j’en ai aussitôt déduit que cela aura comme effet de la faire avancer dans le temps. Ce robot est simplement un objet qui provient du futur.

- De quelle époque exactement?, questionna Daniel.

- Oh, cette boule n’a pas roulée assez longtemps pour qu’il s’agisse d’un futur très éloigné. Je dirais une cinquantaine d’années ou un peu moins.

Ce robot portait un genre d’étiquette sur l’épaule gauche et l’inspecteur Leblanc s’exclama sans attendre :

- C’est écrit : Amérique, exploration de Mars, 2040.

- Ainsi, ce robot servira à l’exploration de la planète Mars en l’an 2040?, s’exclama Daniel d’une voix excitée. Je me demande si on aura finalement obtenu l’intelligence artificielle dans ces années-là?

Le robot ouvrit les yeux et fit entendre sa voix métallique : “ Mon nom est Hercule, série numéro D28478-S24782. Ma mission est d’explorer le sol de Mars...Mission compromise par une interférence magnétique provenant de la Terre. J’enregistre les coordonnées : 75, 43W, 45, 2N. Je poursuis ma mission et donne ce rapport incomplet concernant l’étude du sol de Mars en date du 07 juillet 2042. J’observe un objet dans un canyon... Pas de données cartographiques suffisantes pour le situer sur mon plan de route. Je prends une photographie numérique A-60, une bande alpha sera envoyée pour analyse de l’objet trouvé. Selon mes informations en mémoire, je peux le décrire en le comparant à un cercle d’environ 20 mètres de hauteur sur lequel est juché un singe sculpté dans la pierre rouge. Je m’approche de cette pièce dont la hauteur est de trois mètres. Je marche... vers l’objet et j’enregistre de nouveau cette interfé...rence qui ralentie ma...”

Le robot venait de faire son dernier rapport et tous ses circuits surchauffaient au point de fondre sa tête en métal et ses yeux en forme de lentilles de caméra. L’inspecteur referma les petites trappes qui tenaient lieu de paupières. Hercule venait de rendre son I.A ( intelligence artificielle ) à une époque où il n’avait pas encore été inventé. En examinant soigneusement le crâne lisse et doré de ce squelette futuriste, Daniel découvrit les noms de Dominic et Sylvain Dulac. Ces deux jeunes inventeurs étaient, par anticipation, les futurs créateurs d’Hercule. Il était inutile de conserver ce robot, de peur que ces jeunes refusent un jour de l’inventer. Il fallait absolument qu’ils ignorent l’existence d’Hercule afin d’éviter de changer les événements du futur. Le robot fut saisi par les trois hommes et balancé dans la faille lumineuse.

Quelques membres de l’organisation nazie tentèrent dans les jours qui suivirent de s’introduire sur le terrain de la petite école. Toutefois, grâce aux nombreux policiers de la Sûreté du Québec qui patrouillaient dans le secteur, ces hommes furent tous arrêtés pour divers chefs d’accusation. Il est vrai qu’il était impossible de prouver les mauvaises intentions de ces intrus, mais les policiers connaissaient des trucs pour les décourager en leur disant qu’ils devaient vérifier leurs papiers pour des raisons sécuritaires. Puis, ils passaient un long moment à les examiner et à poser toutes sortes de questions d’usage. Finalement, ils arrêtaient ces hommes en prétendant que les permis de conduire semblaient faux, tout comme les autres preuves d’identités qu’ils fournissaient docilement en serrant les dents. En réalité, ces policiers étaient tous des amis de l’agent Leblanc qui acceptaient de travailler bénévolement pour lui venir en aide. Puisque la police s’intéressait de trop près à leur école, les responsables de l’organisation locale de l’Outapran décidèrent de quitter la région de l’Outaouais sans laisser d’adresse.

Primus Tasal s’était finalement remis de sa chute et boitait légèrement lorsqu’il revint au souterrain en compagnie d’André et de Carole. Il accepta volontiers de refermer la faille lumineuse en introduisant simplement un morceau de gomme à mâcher dans le petit trou de sa bille magique. Paichel le regardait faire en riant de bon coeur puisque le mur se referma en laissant une forte odeur de gomme à saveur de cerise.

- Dis-moi Primus, on dirait bien que tu as pris du poids, à moins que mes yeux me trompent avec l’âge! Puis, c’est la première fois que je te vois mâcher de la gomme, lui dit Paichel pour le taquiner.

- Ne te moques pas de moi, je me suis reposé et j’ai pris grand plaisir à me laisser gâter par ma gentille infirmière et ses deux fils, Dominic et Sylvain. Puis, j’ai eu droit à la fameuse poutine de tante Claire et à sa succulente mousse au chocolat. C’est Claire qui m’a convaincu de mâcher de la gomme à bulle pour me donner un petit air coquin. Je me suis bien amusé dans cette famille et j’ai rencontré Paul, l’époux de Carole. Il est très gentil et surtout courageux d’aimer autant la vie malgré un grave accident qui l’empêche de marcher comme les autres. Avant de partir, j’ai fait ma distribution de cadeaux à mes nouveaux amis. Une nuit, je suis sorti discrètement de ma chambre pour entrer dans le couloir Intemporel. J’ai rapporté une jolie robe de bal à Micheline qui était destinée à une riche dame de la famille des Habsbourgs et demeurant dans le canton de Willendorf en Autriche vers les années 1860. Puis, j’ai offert à tante Claire un film célèbre qui n’a même pas encore été réalisé. Comme cette femme collectionne tous les classiques cinématographiques, ce petit présent lui a fait grandement plaisir.

- Pas vrai!, on dirait bien que tu es devenu le Père Noël depuis que tu es tombé sur la tête, lui dit son ami en lui frottant la petite bosse encore visible sur celle-ci.

- Profitez-en, c’est rare que je fais des emplettes à travers l’histoire, lui répondit le singe. J’ai rapporté d’autres présents pour les enfants de Micheline. Il s’agit d’une carte céleste qui montre une galaxie qui sera découverte uniquement dans une trentaine d’années par les astrologues. Elle portera le nom de la constellation du Faucon à cause de sa forme rappelant celle de cet oiseau de proie. Il y a une jolie planète habitée dans cette constellation qui porte le nom de Ouars. Les Ouarsiens sont pacifiques et vivent sur un seul continent aussi vaste que la superficie de la Terre. Ils parlent tous la même langue et sont surtout très affectueux et libre de nature. Ils ressemblent aux Terriens et nous visitent déjà depuis des milliers d’années. Dominic et Sylvain deviendront célèbres lorsqu’ils montreront cette carte aux astrologues. J’ai également songé à Daniel qui est musicien si je ne me trompe? C’est André qui me l’a dit.

- Oui, je travaille beaucoup sur de nouveaux sons harmoniques, lui répondit celui-ci en souriant.

- Je vais donc vous laisser enregistrer les sons harmoniques que produit ma boule musicale et vous pourrez les utiliser pour soigner toutes sortes de maladies physiques et mentales. J’aimerais toutefois que vous soulagiez le plus de gens possibles à un coût raisonnable avec cette musique primusienne, c’est-à-dire de Primus Tasal. Je pense que vous pourrez également inventer une chaise roulante musicale pour mon ami Paul. Lorsqu’il aura mal aux jambes, il n’aura qu’à prendre place sur cette chaise pour en éprouver une rapide diminution de la douleur.

- Je vous promets de la réaliser avec grand plaisir, lui répondit Daniel avant d’enregistrer les différents sons de la bille magique.

Primus Tasal regarda ensuite André en disant :

- Je vais vous offrir un nouveau programme pour votre ordinateur. C’est celui qu’utiliseront les programmeurs lorsque l’intelligence artificielle sera inventée. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas dévoiler le contenu de ce programme intelligent à qui que se soit. Je ne voudrais pas que les hommes m’accusent un jour d’avoir piqué une invention du futur pour l’offrir à un ami d’une époque antérieure.

- Je serai très discret et prudent, lui répondit André en tendant la main au singe qui lui remit alors une petite boîte transparente et contenant le programme futuriste.

- Puis, j’ai pensé à vous, mesdames Carole et Shana. À Carole, je lui offre une clef fantastique qui lui permettra de communiquer avec les esprits des hautes sphères célestes et à Shana, ce sera un flacon de parfum vraiment spécial puisque sa subtile odeur la fera voyager dans l’astral dans un état éveillé. Puis, j’ai pensé à vous monsieur Leblanc.

- Ah oui?, lui dit l’agent enquêteur d’un air surpris.

- Prenez cette bague de vérité puisqu’elle noircira si quelqu’un vous ment au cours d’un interrogatoire. Mais souvenez-vous que votre expérience est plus précieuse que cette bague. Ne vous fiez pas toujours aux apparences, mais à votre coeur lorsque vous doutez de la franchise des autres.

Primus Tasal se retourna ensuite vers Paichel pour lui dire d’un ton moqueur :

- Puisque je te considère comme mon meilleur ami, je vais t’offrir un présent extraordinaire! C’est une maison gonflable.

- Je pourrai donc la transporter sur mon dos comme le colimaçon, lui répondit l’autre.

- Exactement, elle se souffle en quinze secondes et peut accommoder jusqu’à dix personnes.

- Je pense que je vais m’amuser à la décorer et pourquoi pas, accrocher des cadres sur les murs!

- Libre à toi d’y introduire des clous d’un mètre si c’est cela que tu veux, lui répondit le singe en riant candidement. Je t’assure que rien ne saurait faire éclater cette maison soufflée. Dès que tu retireras un clou du mur, le trou se refermera sans laisser la moindre trace. C’est la maison parfaite pour un voyageur comme toi.

Primus Tasal salua ses amis et monta sur sa bille magique en disant d’une voix amusée :

- Tu as raison Paichel, je pense que j’ai pris du poids puisque je ne peux voir mes orteils. Tans pis, je roulerai plus vite dans le monde pour me remettre en forme. Je vous remercie tous de vous être occupés de moi et je me souviendrai toujours de vous.

- Bonjour à toi, qui que tu sois!, lui dit Shana en le saluant de la main.

L’étrange singe plaça ses mains sur son coeur en souriant et disparut ensuite en passant simplement à travers le mur sans laisser la moindre trace de son passage. Il était temps pour les autres de se quitter afin de retourner à leur vie professionnelle. Le mauvais souvenir de von Reich serait largement compensé par l’amitié éternelle entre les anciens élèves de l’Outapran.

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